tout partager

Mark Zuckerberg l’a souvent déclaré: sa vision ultime est de connecter tous les habitants de la planète bleue (et peut-être au-delà) dans une culture du partage intégral. On n’en est pas encore à la dystopie intégrale décrite dans The Circle (vidéo ci-dessous), où des micro-caméras filment le moindre de nos faits et gestes dans une transparence totale, annihilant toute forme de vie privée. Même si certains signaux alarmants, notamment en Chine, nous laissent penser qu’un schéma à la 1984 pourrait un jour se concrétiser.

Tout partager sur Facebook ou d’autres réseaux sociaux présente des risques insoupçonnés, notamment celui d’être manipulé à des fins politiques. Vous avez sans doute entendu parler du travail de data mining effectué avec succès par Cambridge Analytica pour le compte de la campagne présidentielle de Donald Trump. On aurait pu penser que cette équipe de savants fous se serait contentée de cibler les utilisateurs de Facebook à la régulière, sur base des infos disponibles dans l’outil publicitaire du réseau social…

Un article du New York Times nous révèle que ces guerriers de l’information (c’est ainsi qu’ils se définissent) ont dépassé la ligne rouge, en collectant illégalement les données partagées par les utilisateurs via une tierce partie, sous le couvert de prétendues recherches académiques, afin de cartographier l’électorat américain et concevoir leurs campagnes de manipulation massive.

Cambridge Analytica a clairement dépassé les bornes mais, au départ, ce sont les utilisateurs du réseau social qui, depuis des années, partagent naïvement le fond de leurs pensées sur une plateforme dont ils ne maîtrisent aucun paramètre. On peut a posteriori s’offusquer des dérives d’un data miner sans scrupules mais ne serait-il pas plus sain d’éviter de partager à tout va les indices qui permettent à ces truands de (tenter de) nous manipuler à grande échelle ? Partageriez-vous sur Facebook le calendrier de vos sorties pour permettre aux cambrioleurs de venir se servir à leur guise ? (En fait, vous le faites souvent, sans vous en rendre compte…)

On pourra donner aux internautes tous les outils de la terre, encore faut-il que chacun(e) d’entre nous adapte son comportement pour minimiser les risques d’exploitation de nos données. Au moins vous partagerez d’informations au plus vous serez préservé des sollicitations de tous bords. Et si votre tempérament est au partage intégral, vérifiez vos paramètres de confidentialité et, dans la mesure du possible, réduisez les cercles avec lesquels vous partagez les détails croustillants de votre vie publique ou privée. Ne croyez pas non plus que seuls les avis strictement politiques permettent d’établir votre profil d’électeur. Vos choix artistiques, le ton de vos commentaires, la fréquence de vos interactions et une foule d’autres signaux permettent aux data miners de dresser votre portrait, à votre insu.

Comme le disait cette fable du XVIIIème siècle:

Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde ! 
Pour vivre heureux, vivons caché.